Epistemologie Juridique Et Deja-Droit

Si, dans le monde juridique, l'épistémologie s'oriente vers le rôle ingrat d'un a priori pręt ŕ se transmuter idéologiquement en méthodologie juridique, en théorie de l'interprétation, ou simplement en modčle théorique préétabli, nous avons un réel problčme épistémologique. En conséquence, l'objectif de notre livre se résume ŕ réfléchir sur ce problčme et ŕ le faire sous l'auspice d'une interrogation qui est elle-męme de l'ordre de l'épistémologie juridique. Il faut impérativement critiquer et évincer, autant que possible, le recours idéologique ŕ un déjŕ-droit, un droit déjŕ lŕ d'une façon ou d'une autre, et qui peut agir (sans aucun acte délibératif de création) en tant que justification, fondation et idéologie dans le domaine du droit, ou pire, en tant que Idéo-droit propre ŕ ses investigateurs membres d'une secte doctrinale. Les trois essais que nous publions ici sous le titre Épistémologie juridique et déjŕ-droit  cherchent ŕ reprendre le terrain. Ils présentent une critique en rčgle de toute fondation (et fondationnalisme), toute justification (et procédé justificatif) et de toute tentative de faire de la théorie un paradigme pour l'Idéo-droit. Il s'agit évidemment d'essais critiques dans le sens de résistance aux chants des sirčnes qui, pareil au péril d'Ulysse (de l'Odyssée d'Homčre), peuvent bien ętre envoűtants et beaux, mais qui provoqueront notre naufrage intellectuel et moral si nous ne nous tenons pas debout. Il ne faut jamais céder ŕ la tentation de croire ŕ l'existence d'un déjŕ-droit, d'un droit déjŕ ici et lŕ, et magiquement présent dans un monde objectif et pręt ŕ ętre cueilli par notre théorie. Il n'y a aucune raison de céder ŕ l'irrationnel; il nous faut plutôt résister, protester et hurler épistémologiquement contre l'irrationalité d'un déjŕ-droit. * * * Bjarne Melkevik, Doctorat d'État en droit de Paris II, est professeur titulaire ŕ la Faculté de droit de l'Université Laval (Québec). Auteur de Philosophie du droit. Volume 1 (2010) et Volume 2 (2014), Habermas, Légalité et Légitimité (2012), et Droit, mémoire et littérature (2010). Chez Buenos Books International, il a publié Marxisme et philosophie du droit : le cas Pasukanis (2010) et Droit et Agir communicationnel : Penser avec Habermas (2012)